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Bornéo — Partie 1: La rivière Kinabatangan, l'Amazone de l'est.

  • clementpoumeyrol
  • 16 août
  • 12 min de lecture

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Depuis l’enfance, Bornéo habitait mon imaginaire comme un territoire presque irréel. Une jungle sans fin, d’un vert profond, bruissant d’insectes et de chants d’oiseaux, peuplée d’animaux que l’on ne trouve nulle part ailleurs. Une île où la nature se montre encore telle qu’elle était il y a des millions d’années. Je me souviens encore du jour, enfant, où j’ai reçu et ouvert pour la première fois le sublime "Jungles" de Frans Lanting, qui fût longtemps l’un de mes livres de chevet. Depuis, Bornéo était devenue plus qu’une destination : une promesse.


En mars 2025, à l’occasion d’un voyage prévu aux Philippines, j’ai décidé qu’il était temps de tenir cette promesse. À quelques heures de vol de Manille, l’État malaisien de Sabah s’imposait comme une évidence : la rivière Kinabatangan, labyrinthe d’eaux brunes bordées de jungle, et la Danum Valley, l’une des forêts primaires les plus anciennes (plus de 130 millions d’années) et les mieux préservées au monde. Ce voyage avait deux buts : préparer de futurs itinéraires pour des workshops photo, et commencer la récolte d’images pour un projet de livre… qui restera secret pour le moment.


La préparation


Dans les mois et les semaines précédant le départ, je préparais mon itinéraire dans les moindres détails. Je passais en revue les cartes, les saisons, les lieux d’observation possibles, les caractéristiques de la faune, et surtout, je recherchais les meilleurs guides locaux, capables de répondre à mes exigences de photographe.


Mais à quelques semaines du départ, coup de théâtre : l’État de Sabah connaissait les crues les plus importantes depuis plus de vingt ans. De nombreux habitants — notamment à Sukau, sur la rivière Kinabatangan, où devait débuter mon parcours — furent évacués. Le logement sur pilotis de mes guides se retrouvait cerné par les eaux, avec un risque accru de voir rôder les crocodiles marins. Heureusement, peu avant mon départ, les eaux commencèrent à se retirer. À mon arrivée, bien que la rivière soit restée haute, son niveau n’entravait pas la navigation ni les prises de vue depuis les bateaux.


L'arrivée


Après un long enchaînement de vols — Manille–Kuala Lumpur, puis Kuala Lumpur–Sandakan —, le rêve prenait enfin vie. J’atterrissais à Bornéo avec, sur le dos, un sac photo bien lourd, ce qui n'est pas simple avec les restrictions de poids des compagnies aériennes locales. Chaque boîtier, chaque objectif avait été choisi pour une raison précise : ici, chaque instant compterait et il faudrait m'adapter.


À la sortie de l’aéroport, un large sourire m’attendait. Celui d’Asley, mon hôte et guide, accompagné de l’un de ses cousins. Dès les premiers échanges, je compris que je ne m’étais pas trompé : Asley est un passionné absolu de Bornéo, doté d’une connaissance encyclopédique de sa faune, de ses forêts et des enjeux qui les menacent. Collaborateur régulier de National Geographic, il connaît Sabah dans ses moindres recoins : les méandres de la Kinabatangan, les forêts profondes de la Danum Valley, les côtes sauvages de la mer de Sulu ou encore les pentes du mont Kinabalu.


Asley (à gauche) et sa famille - Sukau River Homestay
Asley (à gauche) et sa famille - Sukau River Homestay

Après un bref arrêt pour faire le plein et acheter quelques vivres, nous quittâmes les routes lisses pour rejoindre un bitume plus chaotique. Très vite, les palmiers à huile se succédèrent à perte de vue : monocultures silencieuses qui ont grignoté l’habitat naturel de nombreuses espèces emblématiques. Et les chiffres donnent le vertige :


  • Orang-outan de Bornéo: population en baisse de 80% en 50 ans.

  • Éléphant pygmée: moins de 1 500 spécimens à l’état sauvage.

  • Calaos: huit espèces présentes, en fort déclin, avec jusqu’à 50 % de disparition en dix ans selon les zones, sous l’effet combiné de la déforestation et du braconnage.

  • Nasique: endémique de Bornéo, déjà classé vulnérable, dépendant des forêts riveraines. Sa population a diminué de 50% au cours des 40 dernières années.


Face à cette réalité, ONG et communautés locales travaillent main dans la main : corridors de reforestation, diversification économique, tourisme durable… Mais la bataille est loin d’être gagnée.


En milieu d’après-midi, nous atteignîmes Sukau et le Sukau River Homestay. Une chambre simple, sans eau chaude, loin des standards luxueux des resorts, mais avec l’authenticité et la proximité avec la nature que je recherchais. À Sukau, des options de logement existent pour toutes les envies et tous les budgets.


À peine le temps de poser mon sac que Shah, l’un des frères d’Asley, m’attendait déjà au bord de l’embarcadère. Navigateur chevronné et photographe passionné, il sait comment placer un bateau à l’angle parfait, anticiper le vol d’un calao ou l’apparition d’un nasique au détour d’une berge. Durant mon séjour, nous naviguerons presque toujours seuls, dans le silence, pour approcher les animaux avec le moins de dérangement possible. Parfois, une ou deux autres personnes partageront le bateau, donnant lieu à de belles conversations autour des repas — généreux et savoureux — préparés par la sœur d’Asley et Shah.


Ici, certains bateaux embarquent jusqu’à douze passagers. L’observation reste agréable, mais pour un photographe en quête d’images d’exception, rien ne vaut la discrétion d’une petite embarcation et la liberté de mouvement.


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Jour 1 – Premier safari sur la Kinabatangan


À peine quelques minutes après avoir quitté l’embarcadère de Sukau, la magie de Bornéo opère. Nous glissons sur les eaux brunes de la Kinabatangan, puis bifurquons vers une de ses affluentes les plus réputées : la rivière Menanggul. C’est alors que, devant nous, une silhouette grise et massive fend l’eau : un éléphant pygmée de Bornéo (Elephas maximus borneensis) termine de traverser la rivière. Pas le temps de composer une image parfaite, mais la vision est saisissante. L’espèce d'éléphant la plus petite du monde, est aussi l’une des plus menacées. Leur morphologie trapue, leurs oreilles arrondies et leur tempérament placide contrastent avec leur environnement : une jungle dense où, malgré leur taille, ils disparaissent en un instant.


Nous patientons, espérant voir d’autres membres du troupeau franchir la rivière. Aucun ne le fera, mais quelques individus passèrent dans la végétation, à moins d'une vingtaine de mètres de notre embarcation. Ici, photographier dans la pénombre d’une forêt équatoriale depuis un bateau en mouvement est un défi permanent : chaque image est une bataille contre la lumière et l’instabilité.


La rivière Menanggul dévoile ensuite d’autres trésors. Sur une branche, une chouette épervière de Bornéo (Bubo sumatranus) observe nos mouvements. Un peu plus loin, un grand-duc malais (Ketupa ketupu) se fond dans les feuillages. Et au dessus de nous, un couple de pygargues nains (Haliaeetus humilis) partage un repas.


Chouette épervière de Bornéo - Menanggul river
Chouette épervière de Bornéo - Menanggul river

Lorsque la lumière décline, nous regagnons la Kinabatangan. Les premières silhouettes élancées se dessinent dans les arbres bordant la rivière : les singes nasiques (Nasalis larvatus). Avec leur long nez proéminent — encore plus marqué chez les mâles — et leur pelage fauve, ils donnent à la Kinabatangan une part de son identité. Ils se regroupent au crépuscule sur les branches surplombant l’eau, stratégie pour échapper aux prédateurs nocturnes. Leur puissance lors de leurs sauts, leurs interactions et leurs regards me captivent instantanément.


BDe retour au logement, une nouvelle conversation passionnante avec Asley m’attend. Mais la nuit est courte à Bornéo : le réveil sonnera à l’aube, pour retrouver la jungle à son moment le plus vibrant.


Jour 2 – Des moments magiques entre brume et gouttes de pluie


La rivière dort encore, noyée sous un épais voile de brume. Les premières lueurs du jour n’ont pas percé l’horizon que nous glissons déjà sur l’eau. Cette fois, nous prenons la direction opposée, remontant la Kinabatangan le long des rives tapissées de jungle.


Un mouvement dans les feuillages attire notre attention : une troupe de macaques à queue de cochon méridionaux (Macaca nemestrina) s’affaire à se nourrir. Ils nous tolèrent à quelques mètres, indifférents à notre présence. La lumière est faible, chaque cliché exige patience et stabilité.


Macaque à queue de cochon - Kinabatangan
Macaque à queue de cochon - Kinabatangan

La brume se lève peu à peu, révélant mon premier calao pie oriental (Anthracoceros albirostris), la plus commune des huit espèces de calaos de Bornéo. Durant mon séjour, j’aurai la chance d’en observer six espèces différentes. Plus loin, au sommet d’un arbre défeuillé, un semnopithèque argenté (Trachypithecus cristatus) se tient immobile, scrutant l’horizon. J’imagine la vue qui s’offre à lui : une mer infinie de vert, inondée par la lumière naissante.

Semnopithèque argenté - Kinabatangan
Semnopithèque argenté - Kinabatangan

Puis, soudain, la rencontre que tout photographe rêve de faire ici : une mère orang-outan (Pongo pygmaeus) aet son petit se déplacent d’arbre en arbre, devant des falaises calcaires. Leur progression est lente, mesurée, chaque geste trahissant une puissance tranquille. Au même moment, un calao rhinocéros (Buceros rhinoceros), avec sa protubérance flamboyante et ses couleurs éclatantes, vient se poser à proximité. Pour moi, c’est l’espèce de calao la plus photogénique de Bornéo — et elle deviendra l’une de mes obsessions photographiques.


Orang-outans - Kinabatangan
Orang-outans - Kinabatangan

Nous quittons cette scène magique pour explorer une petite rivière. Un varan d’eau d’Asie (Varanus salvator) de belle taille se chauffe au soleil, juste au-dessus de ma tête. Plus loin, un martin-pêcheur à coiffe noire (Halcyon pileata), bien plus imposant que notre martin-pêcheur européen, file comme une flèche colorée. Sur une berge, des macaques crabiers (Macaca fascicularis) complètent la galerie de primates.



De retour au homestay, un petit déjeuner copieux nous attend. La matinée se poursuit pour moi dans le village de Sukau que je pars explorer, appareil en main. Le lac Oxbow – Spectacle après l'orage

L’après-midi, cap sur le lac Oxbow, un lieu riche en biodiversité, accessible uniquement lorsque le niveau de l’eau est suffisant. Mais Bornéo n’est pas une forêt tropicale humide par hasard : en milieu de trajet, la mété se dégrade soudainement. Vingt minutes de pluie tropicale d’une intensité rare s’abattent sur nous. Heureusement, l’équipement et le photographe tiennent bon. Peut-être rebutés par ce déluge, les autres bateaux semblent avoir déserté la rivière : nous progressons seuls.


Le silence qui suit l’orage est presque irréel. Les gouttes tombent des hauteurs de la canopée tandis que nous pénétrons dans le bras d’eau menant au lac. Au détour d’un méandre, deux calaos rhinocéros (Buceros rhinoceros) nous offrent un festival aérien, nous les observerons longuement. Plus loin, un pygargue à tête grise (Icthyophaga ichthyaetus) fond sur une grenouille, la saisit et disparaît — scène trop brève pour saisir l'instant, mais gravée dans ma mémoire. Dans un arbre voisin, une cigogne épiscopale (Ciconia episcopus) sèche ses ailes.


Calaos rhinocéros - Oxbow lake
Calaos rhinocéros - Oxbow lake

De retour sur la rivière, au crépuscule, de nouveaux nasiques s’agitent dans les arbres. Puis, la scène rêvée : deux calaos rhinocéros se posent au sommet d’un arbre tandis que la lune était apparue dans le ciel. À ma demande, Shah positionne le bateau pour capter cette composition parfaite. Peu après, un autre spectacle rarissime : pas moins de quatre espèces de calaos réunies sur un seul arbre alors que la nuit tombe. Les ornithologues en rêveraient.


Je m’endormis ce soir-là avec des images plein l’esprit… et la carte mémoire.


Male proboscis monkey - Kinabatangan river
Male proboscis monkey - Kinabatangan river

Jour 3 – Patience et proximité


La brume est encore plus dense que les jours précédents. Ce matin, nous explorons une grande rivière affluente que nous n’avions pas encore remontée. Les cris lointains des gibbons résonnent dans la canopée, mais la faune reste discrète. Et c’est précisément là l’un des charmes de ces voyages : l’incertitude, l’attente, l’imprévu.


Alors que nous faisons demi-tour, Shah reçoit un message : une grande troupe d’éléphants pygmées a été repérée sur la Menanggul. Nous mettons le cap. Comme souvent pour ces espèces emblématiques, les guides communiquent entre eux, et rapidement plusieurs bateaux se regroupent. Shah choisit de s’éloigner légèrement et de patienter, moteur coupé. Pari gagné : la troupe émerge de la végétation et passe à quelques mètres. Un éléphanteau s’efforce de maintenir sa trompe hors de l’eau. Puis, scène presque surréaliste, certains adultes s’allongent dans la jungle, à vingt mètres à peine, pour se reposer. Le bruit des branches cède la place à un calme apaisant.


Bornean pygmy elephants - Kinabatangan river
Bornean pygmy elephants - Kinabatangan river

De retour au homestay, un petit déjeuner avalé, je pars seul explorer la réserve de Keruak. Trente minutes de marche m’amènent à l’entrée d’un tout nouveau sentier, difficile d’accès à cause des pluies récentes. Je saute au-dessus d’un ruisseau avec mon matériel, et tombe presque aussitôt sur des excréments d’éléphants frais. Prudence. Depuis plusieurs semaines, des éléphants rôdent autour du village, attirés par les arbres fruitiers des habitations. Chaque soir, les villageois montent la garde, utilisant même des feux d’artifice pour les tenir à distance. Une cohabitation complexe, mêlant opportunités touristiques et dégâts potentiels.


Plus loin, alors que la pluie reprend, j’atteins une tour d’observation près d’un figuier géant. Là, j’aperçois deux martres à gorge jaune (Martes flavigula) bondissant de branche en branche, à grande vitesse. Elles s’arrêtent net en me voyant, m’offrant quelques secondes d’observation précieuse. L’espèce n’est pas menacée, mais reste très difficile à voir, tant elle est mobile et discrète.


L’après-midi, retour sur la rivière. Nasiques, macaques, calaos, aigles… et, au détour d’un méandre, un jeune orang-outan et sa mère. Longtemps, ils restent dissimulés, puis le jeune se montre enfin. Son regard me transperce. Ici, croiser les yeux d’un orang-outan sauvage est un privilège rare — et un rappel de ce qu’il reste à protéger.


Bornean orangutan - Kinabatangan river
Bornean orangutan - Kinabatangan river

Safari de nuit à pied – La jungle dans l'obscurité


Une fois la nuit tombée et une collation avalée, je pars accompagné de l’un des frères d’Asley, également guide expérimenté, et de deux de ses cousins, tous ayant passé de longues années à arpenter la nature sauvage de Bornéo. Équipés de lampes frontales et de torches, nous nous engageons sur un sentier montant vers une colline voisine, réputée pour ses observations rares. Mon guide y avait déjà croisé, un soir, la quasi-mythique panthère nébuleuse — un félin fantomatique que peu de personnes peuvent se targuer d’avoir vu.


Ce soir-là, c’est un autre visage de la jungle qui se dévoile. Nous tombons sur plusieurs oiseaux endormis, y compris des calaos largup (Anorrhinus galeritus), la plus petite des espèces de calaos de Bornéo, regroupés côte à côte sur une même branche. La lampe révèle aussi une multitude d’insectes aux formes improbables, et surtout une rencontre minuscule avec l'une des plus petites grenouille de Bornéo (Metaphrynella sundana), pas plus grosse qu’un ongle . Elle se poste dans de petits creux de branches où l’eau stagne, d’où elle émet son chant pour attirer un partenaire et déposer ses œufs. Les têtards se développeront ensuite directement dans ce microcosme aquatique.


En redescendant, nos faisceaux accrochent la silhouette élancée d’une civette à bandes (Hemigalus derbyanus), qui se déplace sans prêter attention à nous. Chercher la faune de nuit, dans une jungle dense et vivante, procure une excitation particulière. Mais elle exige vigilance : le barrissement puissant d’un éléphant, tout proche, accompagné de l’odeur forte de l’animal, nous incite à rentrer prudemment au logement.


Jour 4 – Les grottes de Gomantong et la rivière nocturne


Le dernier matin sur la Kinabatangan débute dans la douceur. Le fleuve miroite sous la lumière rasante, et bien que la matinée soit plus calme que les précédentes, elle offre de belles rencontres : divers groupes de singes, un martin-pêcheur à bec de cigogne (Pelargopsis capensis), et un écureuil à bandes noires de Bornéo (Callosciurus orestes).


Écureuil à bandes noires - Kinabatangan
Écureuil à bandes noires - Kinabatangan

L’après-midi prend une tournure différente. Après une demi-heure de route, nous atteignons les grottes de Gomantong, Asley à mes côtés. Nous grimpons jusqu’à l’entrée principale, là où la plupart des visiteurs s’arrêtent. L’odeur âcre, due aux tonnes de guano de chauves-souris et de salanganes, se perçoit de loin. Les nids de ces dernières — souvent confondues avec des hirondelles — sont récoltés chaque année pour être vendus à prix d’or, notamment en Chine, où ils sont très prisés pour la préparation de soupes.


À l’intérieur, la lumière s’adoucit, mais l’air devient presque irrespirable pour les plus sensibles. Le sol grouille de blattes et de mille-pattes, animant cette atmosphère presque irréelle. Nous poursuivons bien au-delà des zones touristiques, gravissant un long escalier raide qui mène à une cavité supérieure. Le sac photo pèse, mais l’effort est récompensé : la vue embrasse à la fois l’immense ouverture de la grotte et la jungle qui s’étend à perte de vue.


Les collecteurs de nids nous apprennent que nous venons de manquer de peu deux grands mâles orangs-outans à disques faciaux, l’un de mes objectifs photographiques du voyage. Tant pis, ce sera pour une autre fois. Nous nous installons en hauteur, prêts à assister à l’un des spectacles les plus fascinants de la région : la sortie nocturne des chauves-souris, plus d'un million. Pendant plus d’une heure, des nuées entières quittent la grotte dans un ballet tourbillonnant, poursuivies par des rapaces qui tentent de les saisir au vol, et réussissent régulièrement. Un défi photographique d’autant plus stimulant qu’il se joue dans une lumière quasi inexistante, avec des sujets rapides et imprévisibles.



Avant de quitter les lieux, nous apercevons au loin une famille de semnopithèques rubiconds (Presbytis rubicunda), une espèce que j'observerai de bien plus près dans les jours à venir.


Dernier safari sur la Kinabatangan – La nuit depuis l'eau


Après un bon repas et un moment de détente, nous reprenons la rivière pour une sortie nocturne en bateau. Un projecteur à lumière blanche permet de repérer les yeux brillants d’animaux dans la jungle, tandis qu’une lampe rouge, moins intrusive, sert à observer les espèces sensibles sans les déranger.

Naviguer dans la nuit noire a quelque chose d’hypnotique. Les sens se tendent, le bruissement de la jungle devient plus net. Nous croisons des oiseaux endormis, un martin-pêcheur immobile sur sa branche, un serpent lové sur une liane, d’énormes chauves-souris frugivores, et même une civette palmiste qui nous gratifie d’un bond spectaculaire.


Civette palmiste - Kinabatangan de nuit
Civette palmiste - Kinabatangan de nuit

Photographier dans ces conditions est possible, mais exigeant. À Bornéo, c’est parfois le seul moyen d’immortaliser certaines espèces. C’est en tout cas une expérience que je recommande à tout voyageur curieux de découvrir cet autre visage de la jungle.


Après ce dernier face-à-face nocturne, la fatigue me gagna rapidement, même si ici le sommeil est habité : les échos de la rivière, le claquement des ailes dans l’obscurité, les cris lointains de primates me suivirent jusque dans mes rêves.


Quelques heures plus tard, au petit matin, dans la pénombre précédant l’aube, la Kinabatangan s’étirait dans un silence presque irréel. La brume flottait encore au-dessus des eaux calmes, et quelques calaos passaient furtivement dans un ciel à peine éclairci. Quitter ce lieu, c’était abandonner une rivière qui avait rythmé mes jours et mes nuits, et un homestay où l’on m’avait accueilli à bras ouverts. Mais à Bornéo, chaque horizon en cache un autre : au-delà des eaux brunes m’attendait la mythique Danum Valley, un sanctuaire ancien de plus de 130 millions d’années. Une demi-journée de route et de pistes cahoteuses, et je plongerais dans cet autre monde.



-Clément Poumeyrol

 
 
 

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